Au moment où le salon éponyme, grand-messe annuelle à la gloire de la franchise, ferme ses portes, il peut paraître sacrilège de jeter un regard critique sur certains aspects juridiques peu visibles de la franchise.
Pourtant, a tous ceux qui projettent d'acquérir un fonds de commerce franchisé, il faut conseiller d’être prudents, de lire attentivement le contrat de franchise, de se faire assister dans cette lecture, et surtout, de se projeter à cinq ou sept ans, à la fin du contrat de franchise pour se poser la question : que restera t’il de mon investissement ?
Attrait et répulsion
Les rues de nos centres-villes sont une succession de commerces franchisés. On dit que l’ennui naît de l’uniformité. Malgré tout, les enseignes des grandes franchises ont un énorme pouvoir d'attraction et l'acquisition d'un fonds de commerce franchisé présente des avantages incontestables pour le commerçant : dans tous les cas, l'attractivité d’une enseigne nationale, et, selon les franchises, toute une panoplie de fournitures ou de services associés. L’enseigne franchisée est un atout pour le commerçant qui s'installe : elle lui procure une reconnaissance immédiate là où il aurait fallu plusieurs années, un savoir-faire personnel, un bon emplacement pour se forger une réputation et fidéliser une clientèle. Cet avantage concurrentiel de la franchise a un coût visible : droits d'entrée, royalties, redevances. Il a également un coût patrimonial moins visible, parfois exorbitant. C’est celui-ci qui nous intéresse ici.
L’aspect patrimonial
Celui qui achète un fonds de commerce a généralement un double objectif : se procurer un revenu et constituer un patrimoine, généralement en remboursant sur sept ans l'emprunt contracté auprès de la banque. Au bout de quelques années, il revend son fonds de commerce, encaisse le capital correspondant puisqu’il a remboursé son emprunt. Il l’utilise à des fins personnelles, améliorer sa retraite par exemple, ou professionnelles : investir dans un autre commerce plus important ou le prix de vente du premier fonds de commerce servira d'apport pour le second.
Dans la franchise, l’objectif patrimonial est beaucoup plus incertain parce que, dans ce type de commerce, les éléments qui permettent d'attirer la clientèle n’appartiennent pas au commerçant franchisé ou ne lui appartiennent que partiellement. Quels sont ces « moyens » ?
Ce qui attire la clientèle d’un fonds de commerce traditionnel, c'est son emplacement, l'enseigne, le savoir-faire l’assortiment des produits ou des services vendus. Tous ces éléments sont la propriété du commerçant indépendant et font partie des éléments incorporels de son fonds de commerce : l'achalandage qui mesure l'attractivité de l'emplacement est lié au bail commercial. L'enseigne lui appartient. Le produit ou le type d'activité est lié à sa compétence propre, parfois à ses diplômes qui lui permettent d’obtenir une autorisation, à son savoir-faire et aussi, à la « destination » des lieux, c'est-à-dire aux activités autorisés par le bail commercial. L'ensemble de ces moyens destinés à attirer la clientèle est valorisé à travers les éléments incorporels du fonds de commerce : le droit au bail, l'enseigne, la clientèle, l'achalandage.
Dans un fonds de commerce franchisé, au contraire, l'enseigne, n'appartient pas au commerçant franchisé. La clientèle est liée principalement à la marque nationale. Pis, la plupart des contrats de franchise contiennent des clauses qui interdisent au commerçant de continuer son activité après le contrat de franchise, qui limitent la possibilité de vendre librement le fonds de commerce franchisé, voire même qui précarisant le droit au bail. Quelle sont ces clauses ? Comment les identifier, comment les lire ?
Cachez ce contrat que je ne saurais voir…
Première difficulté : Pour lire les clauses, encore faut-il avoir les contrats. Or, la transparence n’est pas au rendez vous. Les clauses qui fâchent n’apparaissent pas sur les prospectus des franchiseurs. La Loi Doubin (1) oblige le franchiseur à fournir un document d’information indiquant au franchisé la durée du contrat proposé, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document fournissant les informations et le projet de contrat doivent être communiqués vingt jours au minimum avant la signature du contrat. Mais vingt jours avant la signature, c’est trop tard… A ce moment, l’affaire est bouclée, les prêts obtenus, chacun est dans les starting block. Tout à l’excitation de l’ouverture prochaine, qui voudra entendre la vérité sur l’opération ? Personne ! Le conseil sera perçu comme un oiseau de mauvais augure.
Les sirènes et les oiseaux de mauvaise augure
Les contrats de franchise sont des contrats d’adhésion. C'est-à-dire qu’ils sont imposés au franchisé sans que le plus souvent celui-ci ait la moindre possibilité de les discuter ou de les modifier. Il n’existe pas de concurrence juridique comme il existe une concurrence économique des enseignes. L’aspect juridique n’est pas un critère de choix en amont. La seule option, qu’aura le prétendant franchiseur c’est de refuser de signer. Or ce refus est la plupart du temps inconcevable. Le postulant à la franchise se rassurera au chant des sirènes juristes qui lui murmureront à l’oreille que de nombreuses clauses des contrats de franchise sont annulées en justice parce qu’elles ne sont pas « légitimes et proportionnées ». (2). Mais qui peut raisonnablement planifier son avenir professionnel sur le non dit et l’espérance aléatoire qu’une clause restrictive et même confiscatoire de son contrat de franchise sera jugée telle et annulée par un juge ?
Il est vrai que, même sans viser un contrat particulier, ces clauses des contrats de franchise se retrouvent, avec certaines variantes ajoutées au fil des procès gagnés ou perdus par les franchiseurs et au gré de l’imagination de leurs juristes, à peu près à l’identique, du point de vue de leur philosophie et de leur objet dans tous les contrats de franchise: Clauses de non concurrence, clauses de non affiliation, clause de préemption, clause d’agrément. Tous ces « cookies » pour ne pas dire mines, parsèment des contras touffus et rébarbatifs que personne ne lit sérieusement d’autant plus que chacun sait n’y pouvoir rien changer… Ces clauses, pourtant, façonnent la réalité de la franchise et dessinent le vrai statut du commerçant franchisé.
Dans un prochain mémo, Légicoach les analysera pour vous.
ça donne envie d'en savoir plus !
Rédigé par : zouze | avril 2011 à 09:40
en effet !!
Rédigé par : aline robert | juillet 2011 à 16:34