Au Salon des entrepreneurs, l’invité juridique d’honneur était incontestablement L’EIRL, Entreprise individuelle à responsabilité limitée. Sans souci excessif de la nuance, le Président Nicolas Sarkozy a vanté les mérites de ce statut créé pour protéger le petit chef d’entreprise « plus exposé que le patron de la grande multinationale ». L’EIRL, a t’il déclaré, permet qu’il « ne soit pas cherché sur sa maison, sur son appartement, sur son patrimoine familial ». En 2011 à 6040 créations d’EIRL dont les ¾ représentent des nouvelles entreprises. Hasard du calendrier, un texte* publié la veille de l’inauguration tente vaille que vaille de répondre à la question : quels biens doivent être compris, obligatoirement, dans la déclaration de patrimoine de l’EIRL et quels biens peuvent ne pas y être inclus ?
L’EIRL : un moyen pour les exploitants individuels de fonds de commerces de protéger leurs biens personnels
Parmi les nombreuses conférences et ateliers proposés les 1er et 2 février 2012 au Salon des Entrepreneurs, LEGICOACH observateur discret pour les professionnels de fonds de commerce, a donc été particulièrement attentif aux interventions sur l’EIRL qui intégraient avec une belle réactivité, le texte des fournisseurs de règlementation, paru la veille*.
L’EIRL, on le rappelle, a vu le jour le 12 mai 2010. Ce statut a pour objectif de protéger les biens personnels de l’entrepreneur individuel des risques liés à son activité professionnelle, notamment en cas de faillite.
Il s’agit pour le professionnel d’isoler, par le biais d’une déclaration d’affectation le patrimoine privé (non affecté) du patrimoine professionnel (affecté).
En cas de difficulté, les créanciers professionnels ne peuvent s’attaquer qu’au patrimoine professionnel qu’on appelle le patrimoine affecté parce qu’il est affecté à l’activité professionnelle et gage de celle-ci.
La seconde motivation est l’harmonisation du régime fiscal avec la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés sur les bénéfices dégagés par son activité sans avoir à créer une Société.
Ce statut est accessible à tous les entrepreneurs individuels quelle que soit la nature de leur activité, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (voir notamment Légicoach : « L’EIRL fait elle un tabac ») et concerne tous les créateurs d’entreprise, et les entreprises existantes en cours d’activité, quel que soit leur chiffre d’affaires.
Bien sûr, Les auto-entrepreneurs peuvent recourir à l’EIRL, au même titre que tout entrepreneur individuel.
La transformation en EIRL pour une entreprise déjà existante est aisée, il suffit de faire une déclaration au registre spécifique dont dépend l’activité de l’entreprise. LEGICOACH recommande à toutes les personnes intéressées par l’exercice d’une activité sous forme d’ EIRL de prendre l’attache d’un professionnel du droit qui saura les guider dans le dédale des différentes options et formalités au titre de l’affectation des biens professionnels.
Il faut noter certains points importants : concernant la valorisation des biens affectés, si le bien affecté est supérieur à 30 000 € il doit faire l’objet d’un rapport d’expertise par un expert-comptable, commissaire aux comptes, association de gestion, notaire pour biens immobiliers.
Concernant les biens communs ou indivis : il faut l’accord exprès du conjoint ou de l’indivisaire. En cas d’affectation d’un bien commun ou indivis postérieure à la constitution du patrimoine affecté il faut une déclaration complémentaire.
Enfin, un même bien ne peut pas servir à deux patrimoines en même temps.
Le site officiel www.eirl.fr apporte un premier aperçu pratique sur la marche à suivre concernant la déclaration d’affectation et, plus généralement la création d’une EIRL.
Quels « biens affectés » ? :
La question qui nous préoccupait était la suivante. Quels sont les « biens nécessaires » à l’activité professionnelle qui doivent obligatoirement figurer dans le patrimoine affecté. La réponse donnée par le nouveau texte est que ce sont les biens qui, « par nature » ne peuvent avoir une autre affectation. Une clarification s’impose :
Le décret du 31 janvier 2012 définit trois types des biens affectés :
- Biens nécessaires utilisés pour l’activité professionnelle,
- Biens non utilisés,
- Biens utilisés mais non nécessaires
Les « biens nécessaires » sont ceux qui ne peuvent être utilisés que pour l’activité professionnelle, « ceux qui par nature ne peuvent être utilisés que pour cette activité ». L’exemple qui vient à l’esprit immédiatement est : le fonds de commerce lui même.
Le patrimoine privé est lui constitué des biens effectivement non utilisés pour l’activité professionnelle. Exemple : la maison familiale, les assurances vie, les placements, les meubles.
Le décret vise également les biens utilisés mais non nécessaires (par nature) comme par exemple une voiture qui peut être au choix affectée ou non au patrimoine professionnel de l’entreprise.
Ainsi, l’entrepreneur peut faire le choix de limiter plus ou moins son patrimoine professionnel en fonction de sa volonté de renforcer sa surface financière en affectant des biens utilisés mais non nécessaires par nature.
Ainsi, de l’affectation des biens immobiliers qui appartenant à la catégorie des biens utilisés mais non nécessaires par nature, peuvent ne pas figurer dans les biens affectés mais peuvent aussi y figurer, au choix d l’entrepreneur.
Des questions donneront certainement lieu à controverse et à chicane : le droit au bail, qui fait partie du fonds de commerce est il ou non un bien nécessaire par nature ? Mais quid d’un bail « tout commerce » et quid d’une activité dont l’emplacement, l’achalandage n’est pas un élément décisif ?
Le bien « utilisé mais non nécessaire » : pourquoi dire simple quand on peut dire compliqué ?
La définition des « biens nécessaires » n’est certes pas d’une clarté absolue. La réponse est simplement repoussée comme un tas de neige sous les roues d’une voiture. On se demandait : qu’est ce qu’un bien nécessaire et on se demandera désormais qu’est ce qu’un bien qui « par nature ne peut être utilisé que dans le cadre de l’activité ? ». Elle apporte cependant une réponse concernant l’immeuble faisant partie du patrimoine privé mais utilisé, peut être partiellement à usage professionnel par l’entrepreneur individuel. Il pourra, à n’en pas douter être exclu du patrimoine affecté de l’EIRL, rendant l’option pour la « déclaration d’insaisissabilité » moins utile.
Pour une comparaison de l’EIRL et de la Déclaration d’insaisissabilité, voir Légicoach : " L’EIRL, un statut intermédiaire entre l’EURL et la déclaration d’insaisissabilité ").
Référence :
*Décret n°2012-122 du 30 janvier 2012 relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limité
Il ajoute les articles suivants au Code de commerce
Article R526-3
Modifié par Décret n°2012-122 du 30 janvier 2012 - art. 2
La déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-7 contient les informations suivantes :
1° Les nom, nom d'usage, prénoms, date, lieu de naissance et domicile de l'entrepreneur individuel ;
2° La dénomination utilisée pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, comprenant au moins son nom ou son nom d'usage ; lorsque l'entrepreneur a procédé à plusieurs déclarations d'affectation, les dénominations utilisées pour chaque affectation de patrimoine doivent être distinctes ;
3° L'adresse de l'établissement principal où est exercée l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou à défaut d'établissement l'adresse du local d'habitation où l'entreprise est fixée ;
4° L'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ;
5° La date de clôture de l'exercice comptable ;
6° Le cas échéant, la mention de l'opposabilité de la déclaration d'affectation aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt ;
7° Un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle en nature, qualité, quantité et valeur. La valeur déclarée est la valeur vénale ou, en l'absence de marché pour le bien considéré, la valeur d'utilité. Lorsque l'entrepreneur individuel relevant d'un régime réel d'imposition et exerçant une activité professionnelle antérieurement à la constitution du patrimoine affecté n'a pas opté pour l'assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée au sens de l'article 1655 sexies du code général des impôts, il déclare en outre soit la valeur nette comptable des éléments constitutifs du patrimoine affecté telle qu'elle figure dans les comptes du dernier exercice clos à la date de constitution du patrimoine affecté s'il est tenu à une comptabilité commerciale, soit la valeur d'origine de ces éléments telle qu'elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos diminuée des amortissements déjà pratiqués s'il n'est pas tenu à une telle comptabilité ;
8° Le numéro unique d'identification de l'entreprise délivré conformément à l'article D. 123-235 si la personne est déjà immatriculée ;
9° les documents attestant de l'accomplissement des formalités mentionnées aux articles L. 526-9 à L. 526-11.
La déclaration mentionnée au premier alinéa est accompagnée des pièces justifiant de l'identité de l'entrepreneur individuel et de l'obtention des autorisations prévues à l'article 389-8 du code civil.
Article R526-3-1